Comme chaque année, l’équipe de Launchworks & Co a eu le plaisir d’assister au Platform Strategy Summit, traditionnellement organisé au MIT Media Labs de Boston. L’événement, organisé par les universitaires de renom et experts des plateformes Marshall Van Alstyne, Geoff Parker et Peter Evans, s’est tenu en ligne pour la deuxième année consécutive et a réuni des spécialistes des plateformes du monde entier.
Dans cet article, nous résumons certaines des idées clés présentées lors du Platform Strategy Summit 2021.
Cinq tendances à surveiller après un an de bouleversements
Peter Evans a mis en évidence cinq tendances principales affectant les plateformes, avec des implications à court, moyen et long terme :
- Le déploiement accru des modèles d’affaires des plateformes par les entreprises traditionnelles et industrielles ;
- L’intégration de passerelles de plateforme à plateforme, créant des écosystèmes encore plus puissants ;
- L’ajout d’« expériences » à de nombreux modèles de plateformes ;
- La multiplication au sein des plateformes, d’expérimentations autour des jetons non fongibles (NFT) ;
- La combinaison des services des plateformes en « super applications ».
Peter a expliqué comment un nombre croissant d’acteurs industriels déploient des modèles d’affaires de plateforme au sein de leurs organisations. Par exemple, Shell a récemment lancé sa place de marché Oren B2B pour le secteur minier en partenariat avec IBM. Ceci est très en phase avec l’expérience récente de Launchworks & Co, et nous constatons de première main l’intérêt accru des entreprises établies pour les modèles d’affaires de plateforme afin d’enrichir leurs capacités existantes.
L’intégration de plateforme à plateforme s’accélère et se traduit par l’émergence de nouveaux écosystèmes dans l’ecommerce. Peter a pris l’exemple de l’intégration de TikTok à Shopify pour permettre aux marchands sur Shopify de se connecter avec les créateurs et les communautés TikTok pertinents à des fins de marketing et de publicité. Cela montre à quel point le monde des plateformes est dynamique puisque TikTok, lancé il y a seulement quatre ans, est désormais un acteur mondial comptant plusieurs milliards d’utilisateurs.
De plus, Peter a noté que les plateformes établies commencent à ajouter « de l’expérience à leur modèle pour renforcer les effets de réseau et la puissance de fidélisation de leur écosystème existant ». Il a montré comment Amazon ajoute rapidement des expériences enrichies de fonctionnalités d’ecommerce à sa plateforme (Amazon Live et Amazon Explore – qui se concentrent sur des produits différents dans différentes parties du monde que la plateforme existante) afin de créer des expériences pour les vendeurs et de renforcer les effets de réseau et la boucle de rétroactions positives.
Peter a également attiré l’attention sur l’utilisation croissante des jetons non fongibles (NFT) par un certain nombre de plateformes. Les NFT utilisent la technologie blockchain pour authentifier les actifs digitaux tels que fichiers image ou vidéos. Bien que l’avenir des NFT reste incertain, ils pourraient devenir les objets de collection ultimes pour certains.
Peter a conclu son intervention en évoquant l’émergence de super applications (Grab, GoTo, Sea, etc.), notamment en Asie du Sud-Est, où de plus en plus de services (covoiturage, livraison de nourriture, services financiers, etc.) sont regroupés au sein d’un même app pour créer des écosystèmes complets. Cela a soulevé la question de savoir si ces super applications pourraient s’étendre au-delà de l’Asie et devenir un phénomène mondial.
Comparer et différencier les plateformes B2B et B2C
Dans sa présentation, Geoff Parker a souligné comment :
• Les plateformes B2B diffèrent du B2C dans plusieurs dimensions importantes
• L’économie fondamentale de la création de valeur nous aide à comprendre différents systèmes
• Les initiatives technologiques pour soutenir les plans de transformation digitale varient selon les caractéristiques des changements de modèle (business model ou operating model) requis et peuvent être classées en fonction du nombre et du type d’acteurs impliqués
• Les investissements dans les infrastructures peuvent présenter des impacts négatifs dans un premier temps avant l’arrivée de résultats positifs.
Geoff a souligné qu’une grande partie de ce que nous savons sur les plateformes provient des acteurs B2C, tandis que les plateformes B2B diffèrent de celles-ci dans plusieurs dimensions importantes, notamment : les besoins des clients et les cycles de vente, la sensibilité aux prix et aux coûts des participants, le mix marketing, le besoin de connaissance des produits, la confiance pour les transactions, l’importance de la propriété des données, la fréquence des interactions, etc.
Il est intéressant de noter que Geoff a souligné qu’en raison de ces différences clés, les plateformes B2B peuvent être plus complexes et rencontrer des défis spécifiques, notamment en ce qui concerne la gouvernance et la propriété des données. Par exemple, les grandes entreprises disposent souvent d’actifs précieux et d’un pouvoir de négociation important lorsqu’elles négocient les dispositions relatives aux données au sein des écosystèmes de plateforme. Geoff a également noté à quel point il était important que les entreprises aient les idées claires claires sur leurs processus de création de valeur, qu’il s’agisse d’effets de réseau identiques ou croisés ou de la valeur intrinsèque d’un produit de base.
Il a ensuite présenté quelques résultats clés d’une étude récente qu’il a menée avec Nitin Joglekar et Jag Srai sur la transformation digitale et l’adoption de nouvelles technologies par les entreprises établies. Le projet de recherche examine les différents types d’initiatives de transformation digitale (Expérimenter et appliquer, Déployer et connecter, Créer et empiler, Construire pour un avenir ouvert, Transformer en marketplace, Transformer en écosystème) et leurs réussites/défis respectifs.
Ils ont constaté que si de nombreuses entreprises manufacturières ont opté pour des « solutions ponctuelles » dans le cadre de leur parcours de transformation digitale et ont pu rendre leurs opérations plus efficaces, un certain nombre d’entreprises ont pu véritablement se transformer et muer en écosystèmes de plateforme.
Geoff a noté que cette transition était particulièrement difficile car elle nécessitait un changement de mentalité et l’utilisation de différentes métriques/définitions de succès en fonction du type d’initiative de transformation digitale. Par exemple, si les indicateurs traditionnels sont bien adaptés aux initiatives digitales qui augmentent la productivité, les initiatives axées sur le développement d’écosystèmes de plateformes à l’échelle du secteur nécessiteront des mesures de suivi de la « santé des écosystèmes » et de la « contribution de et vers des tiers ». Cela signifie que les entreprises doivent accepter le fait que les initiatives d’écosystème de plateformes transformatrices nécessitent souvent des investissements initiaux avant de générer des bénéfices.
L’étude a également montré que les entreprises qui ont investi le plus dans les infrastructures digitales étaient également plus flexibles pour répondre à la crise du COVID. Geoff a souligné la nécessité pour les acteurs lançant des initiatives technologiques d’avoir des métriques adaptées à chaque type d’initiative/d’investissement, car elles ont des impacts différents sur l’organisation et son modèle.
Ces résultats sont très cohérents avec notre expérience et l’utilisation de mesures inadaptées pour évaluer les projets de plateforme est un problème typique pour nos clients. C’est particulièrement le cas pour les entreprises établies développant leur stratégie de plateforme, où les « rails » de l’activité principale et les mesures de performance associées entrent souvent en conflit avec les initiatives comme celles de stratégie de plateforme, qui nécessitent des mesures et des capacités de gestion au niveau de l’écosystème.
Réglementation des plateformes et prospective, les nouvelles formes de droits sur les données et la question de la valorisation de ces réseaux
Marshall Van Alstyne a expliqué comment la pression réglementaire va s’intensifier au niveau international pour les plateformes, alors que les approches aux États-Unis, dans l’UE et, dans une moindre mesure, en Chine s’alignent, et ce que les différentes options législatives signifient en termes de droits des données et de valorisation des plateformes.
Il a noté que l’administration Biden a suivi un cadre mis en place pour la première fois chez Standard Oil, avec une législation récente empêchant les plateformes de rivaliser sur leurs propres marchés et d’acquérir des sociétés sur des marchés adjacents. Il a fait valoir que de telles approches posent des questions et soulèvent des problèmes potentiels (qu’il a hiérarchisés) concernant les droits sur les données (supprimer les frictions pour la création de valeur vs protection de la vie privée) et à la méthode de valorisation des réseaux (c’est à dire : devrions-nous traiter les plateformes comme une infrastructure ?) .
Il a également ajouté que la portabilité des données pouvait créer des problèmes et l’a comparée à l’accès in situ.
Les considérations de Marshall sur la réglementation des données contribueront sans aucun doute à façonner le débat aux États-Unis et au-delà. Les régulateurs devront développer de nouvelles approches pour répondre efficacement aux défis spécifiques soulevés par les plateformes. Nous suivons de près l’évolution de la réglementation en Europe et pensons qu’un dialogue réglementaire permanent et des principes généraux pourraient être des voies vers une approche constructive dans laquelle la réglementation ne conduit pas nécessairement à un jeu à somme nulle.